Depuis trois jours, à
PANTELLERIA, nous courons de l’ouest à l’est, puis de l’est au sud, puis nous
recommençons, et finissons par nous
lasser. L’avantage d’une île est qu’il y
a toujours un coté abrité du vent, mais pas forcément abrité des vagues. Aussi
faut-il constamment chercher, sans toujours véritablement trouver le meilleur
endroit. Les logiques de nous autres pauvres mortels, ne sont pas toujours
celles de nos dieux EOLE, POSEIDON, voir ZEUS en personne, alors nous tournons,
nous cherchons, et le résultat n’est pas forcément au bout de notre quête.
Bref, les nuits blanches de crainte d’un mouillage qui lâche, les vents
tournants en pleine nuit, qui transforment en lessiveuse le bateau, juste pendant
une petite demi-heure, le tout étant le résultat d’une météo capricieuse de fin
d’été, et qui donne l’alerte… Il est temps de penser au retour.
Ajoutez à cela, des
zones non couvertes par internet qui nous privent des prévisions météo, nous
faisant découvrir ce qu’étaient les navigations d’autrefois : le nez au
vent, l’observation des nuages, de leurs formes, de leurs couleurs, de leurs
volumes, de leur altitude… Les plus érudits vous parleront de stratus, cumulonimbus,
altomachinbus et de toute la famille
en … bus, qui se déplacent très très vite, nous laissant seuls et
dubitatifs devant un baromètre pas toujours précis, à force de lui tapoter
dessus à la manière des pionniers de l’aviation ...
Puisqu’il est temps de penser au retour, pensons-y,
pensais-je !!! Muni des dernières
informations météo pas très fraîches, enregistrées deux jours auparavant, je
déclare à tout l’équipage, c’est-à-dire à
Brigitte : « C’est demain matin qu’il faut lever l’ancre, et ce
sera à cinq heures !!! » La décision venant d’être prise, les ordres fusent, et l’organisation du bord pour
une traversée en vue d’un autre continent se fait illico. Bon, il est vrai que
pour changer de continent, nous n’aurons qu’à parcourir 45 MN ( 90 Km ), à peu
près 08 H 00 de route. Ce n’est pas ma mer à boire !!! Et pourtant…..
Je réunis l’équipage au complet et explique la route, les
allures, et mes estimations pour cette navigation. Nous serons au portant avec
10 NDS ( 20 Km/h ) de vent, puis nous
traverserons une zone de calme durant une bonne heure environ, et nous devrons
certainement marcher au moteur durant ce temps, puis à l’approche de KELIBIA,
le vent de travers forcira jusqu’à 15 NDS ( 30 Km/h ), ce qui nous fera arriver
plus tôt !!! Tout est au poil.
Dimanche 05 H 00, le réveil sonne. La nuit a été bonne, et c’est
en relative bonne forme que nous levons l’ancre après un petit déjeuner
rapidement avalé. Une légère brise souffle de nord-est, nous établissons génois
et grand- voile, et nous voilà partis pour une formalité nautique de 45 MN.
Nous contournons île de PANTELLERIA par l’ouest et filons plein ouest pendant
deux heures, quand la brise disparait. Le moteur mis en marche, j’en profite
pour contrôler les deux canes à thon installées sur le balcon arrière. Une
demi-heure plus tard, c’est parti…. le moulinet chante, le fil s’étire, la cane
à pêche plie, bref un poisson de belle taille est pris à l’hameçon. Pas d’affolement…
Je m’équipe, je dégage la zone dans laquelle je vais travailler la bête, la
gaffe est prête. Au préalable, j’ai
réduit la vitesse du bateau, réglé le frein sur le moulinet, ne reste plus qu’à
remonter ce poisson, faire la photo, le découper en filet, le mettre au frais,
et attendre le moment de calme pour le déguster.
Pour les assidus du blog, je ne leur referai pas le coup de
la peau de l’ours, bien que les
circonstances suivantes m’y pousseraient presque…..
Toujours est-il qu’au
moment où je m’installe confortablement pour engager une lutte sans merci avec
la bête bourrée de phosphore, et déclare, en prenant la canne à deux mains :
« A nous deux mon petit ! ». ………..Oui,
oui, vous l’avez déjà deviné… Il n’y aura pas de lutte sans merci, pas de
photo, pas de filet de thon, ( à part en boite, peut-être ), rien de tout cela…
Lorsque je prends la canne à deux mains, disais-je….plus rien au bout… Aller je
vous le confirme : « Mais quel pêchaillon je fais ! »
Avec tout cela, car
l’histoire du thon a pris au total trois bons quart d’heure, nous avons fait
route, et avons peu surveillé notre
environnement, à part un tour d’horizon rapide pour s’assurer d’aucune présence
de cargo ou autre danger ; le vent s’est levé légèrement, mais contre
toute attente, de face, puis au près bon plein , nous permettant de
rétablir la voilure et de stopper les machines.
Cette fin d’été propice aux vents changeants, je ne suis pas
inquiet, pensant que le vent va encore tourner et revenir au portant,
conformément aux prévisions météo. Hélas, plus nous avançons, plus le vent monte, pour atteindre 25 NDS (
5O Km/h ) . Nous sortons les harnais de sécurité. Bien sur, nous avons réduit la voilure en conséquence, mais
alliée au vent, la mer se forme et nous commençons par être secoués. Nos
observations ne nous conduisent pas à l’optimisme, ayant remarqués
depuis un bon moment sur l’horizon, une masse nuageuse gigantesque, noircissant
au fil des milles et ayant peu de chance d’être évitée, vue la direction du
vent. Le seul coté positif, est que nous nous trouvons à une quinzaine de
milles ( 30 Km ) de notre point d’arrivée, mais dont nous ignorons la
configuration exacte et les emplacements prévus pour les arrivées mouvementées.
Nous réduisons encore la voilure, le vent monte, nous
réduisons la voilure, le vent monte, nous sommes à plus de 30 NDS ( 60 Km/h ) de
vent, la mer est forte, les nuages sont là, ils noircissent ; nous gîtons
excessivement, les hublots latéraux sont totalement immergés, de plus je ne
peux plus réduire, sinon me mettre à sec de toile. Nous entrons dans la
tourmente, le ciel est devenu sombre et d’un seul coup la pluie se met tomber
avec force, effaçant l’écume du haut des vagues, et nous nous retrouvons devant
des murs d’eau, du ciel et de la mer. L’anémomètre affiche 41 NDS ( 80 Km/h ). J’estime, dès lors, que cette situation et ces
conditions ne seront pas supportables très longtemps, et n’imagine même pas la
possibilité d’atteindre le port de
KELIBIA, et encore moins d’y faire une entrée sans prendre de très gros risques,
tant physique que matériel. La décision est prise, je me mets en fuite, ( passer
du vent de face au vent arrière ) et je
mets cap au sud. Le moteur est remis en route pour un peu de confort et pour
aider le pilote de tenir ; j’augmente
un peu la surface de grand voile, et nous nous retrouvons très vite dans un confort relatif, marchant à plus de 8 NDS (16
Km/h ). Petit à petit, la pluie diminue, nous sommes trempés jusqu’aux os, n’ayant
bien évidemment pas prévus d’avoir à portée de mains les vêtements de pluie. Le vent diminue aussi
de force, la mer s’aplatit, et bien que toujours dans cette masse de nuages
gris, les conditions s’améliorent, et nous sortons du pire. Nous mettons des
vêtements secs, puis une fois le point GPS fait, nous retraçons une route au
sud qui nous mènera à MONASTIR .
Les conditions sont meilleures, nous rétablissons
le génois, et bien que traversant encore
une fois un orage, sans aucune comparaison avec le précédant, nous gardons le
cap. C’est ainsi, que partis pour une formalité nautique de 45 MN, nous
parcourons 1O2 MN ( 200 Km ), et nous arrivons, un poil épuisés, à 00 H 10 au port de MONASTIR . Notre intention de
longer la cote par le chemin des écoliers ne s’est pas réalisée et attendra une
autre année…. INCH ALLAH !
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